Le Canada est depuis longtemps considéré comme une terre d’accueil et un pays bâtissant son avenir sur l’immigration. Il est aussi un refuge pour de nombreuses personnes. Malgré tout, au cours des vingt-cinq dernières années, l’accueil des réfugiés au Canada a connu une tendance à la baisse. Entre 1980 et 2014, le pourcentage des réfugiés parmi les immigrants est ainsi passé de 28 à 8 % (Statistique Canada). Aujourd’hui, cette tendance semble toutefois fléchir.
En 2015, les statistiques affichaient une augmentation de la proportion d’immigrants acceptés pour des raisons humanitaires. Cette année-là, un peu plus de 13 % des personnes ayant immigré au Canada avaient un statut de réfugié. Cette tendance semble vouloir se poursuivre. Toujours selon la même source, le Canada a accueilli environ 320 000 immigrants en 2016, un nombre largement supérieur à la moyenne annuelle de 250 000. Cette augmentation est entre autres attribuable à l’accueil massif de réfugiés d’origine syrienne. Le Canada a accueilli près de 30 000 Syriens en 2016 ; aujourd’hui, ce nombre atteint 41 081 personnes.
Parmi ces réfugiés, on trouve une forte proportion d’enfants. On sait aussi que près du quart des personnes qui ont immigré au Canada durant leur enfance sont arrivées sous statut de réfugié [1]1Documents de recherche, Statistique Canada
Résultats scolaires et résultats sur le marché du travail des personnes qui ont immigré durant l’enfance selon la catégorie d’admission
2016.
Avec autant de jeunes et d’enfants, la scolarisation des réfugiés représente un défi de taille pour les pays de réinstallation comme le Canada.
Beaucoup ont transité par un camp de réfugiés durant des périodes qui varient fortement d’un individu à l’autre. Lors de ces séjours en camp, certains auront pu être scolarisés, mais, là encore, les conditions dans lesquelles cette scolarisation a eu lieu varient énormément. De plus, le curriculum établi dans le camp est rarement celui du pays d’origine des réfugiés : dans la plupart des cas, c’est le curriculum du pays d’accueil qui est d’application.
Les élèves qui arrivent dans les écoles canadiennes en sont donc souvent à leur troisième ou quatrième curriculum, qui plus est dans des langues d’enseignement et des régimes linguistiques qui peuvent avoir varié à plusieurs reprises dans leur parcours scolaire [2]2CJNSE/RCJCÉ
Enjeux éducationnels, curriculum et langue d’enseignement dans les camps de réfugiés: état des connaissances et perspectives de recherche
2015. S’ajoute à cela une trajectoire ponctuée d’interruptions et de déplacements [3]3Refuge: Canada's Journal on Refugees
The politics of higher education for refugees in a global movement for primary education
2012.
Favoriser la réussite
Dans ces circonstances, il peut être difficile d’évaluer le niveau scolaire d’un élève, a fortiori si celui-ci souffre de troubles psychologiques ayant pu ralentir son développement. Cette évaluation est pourtant cruciale. Des recherches ont démontré qu’une évaluation fine des acquis scolaires à l’arrivée de ces élèves est nécessaire si on veut s’assurer de les intégrer au niveau adéquat et augmenter ainsi leur chance de réussite [4]4thèse de doctorat en sociologie, University of Alberta
The lntegration of Refugee Youth in Canada
2001.
Le soutien de la cellule familiale est également essentiel pour l’intégration d’un élève. Ceci semble aller de soi, mais il est souvent difficile pour des parents réfugiés, qui sont eux-mêmes dans un processus d’adaptation, d’apprentissage et d’intégration, de soutenir leurs enfants. Parallèlement, la santé des parents joue un rôle important sur la réussite des élèves [4]4thèse de doctorat en sociologie, University of Alberta
The lntegration of Refugee Youth in Canada
2001. C’est pour toutes ces raisons qu’il est primordial de mettre sur pied des programmes de santé et de soutien, afin de permettre aux parents, à leur tour, de prendre soin de leurs enfants et de les soutenir tout au long de leur parcours scolaire.
Ensuite, à l’échelle de la classe, le soutien qu’un élève reçoit de ses pairs joue aussi un rôle important. Les élèves nouvellement arrivés profitent grandement de l’aide de leurs camarades déjà établis, en particulier pour l’apprentissage de la langue.
Finalement, le fait de résider dans un milieu urbain semble avoir un effet positif sur la performance scolaire des réfugiés [4]4thèse de doctorat en sociologie, University of Alberta
The lntegration of Refugee Youth in Canada
2001. Ceci s’expliquerait par la multitude de ressources présentes dans les villes.
Des histoires différentes
Maintenant, qu’en est-il vraiment de la réussite et de la diplomation des jeunes réfugiés ? Selon plusieurs études, au moins la moitié d’entre eux réussissent au sein du système scolaire canadien [4]4thèse de doctorat en sociologie, University of Alberta
The lntegration of Refugee Youth in Canada
2001. Au niveau des études secondaires, on observe peu de différence entre les réfugiés et les autres catégories d’immigrants. Quant aux études postsecondaires, le taux d’obtention de diplôme universitaire est plus élevé chez les étudiants réfugiés que chez leurs collègues de troisième génération [5]5University of Toronto Press
Strangers at the gate: The "boat people's" first ten years in Canada
1999 [1]1Documents de recherche, Statistique Canada
Résultats scolaires et résultats sur le marché du travail des personnes qui ont immigré durant l’enfance selon la catégorie d’admission
2016.
Selon Hou et Bonikowska [1]1Documents de recherche, Statistique Canada
Résultats scolaires et résultats sur le marché du travail des personnes qui ont immigré durant l’enfance selon la catégorie d’admission
2016, les enfants réfugiés constituent un groupe résilient et la majorité d’entre eux sont bien intégrés à la société canadienne. Malgré tout, d’autres études démontrent que de nombreux jeunes réfugiés ont besoin de ressources supplémentaires afin de mieux réussir et ainsi mieux profiter des possibilités d’éducation postsecondaire [6]6Alterstice
Accueillir des jeunes réfugiés en région : la formation générale aux adultes comme alternative scolaire?
2015 [4]4thèse de doctorat en sociologie, University of Alberta
The lntegration of Refugee Youth in Canada
2001. En effet, l’exposition aux persécutions, à la violence et à un milieu de vie dangereux, peut engendrer des troubles susceptibles d’affecter la réussite et la diplomation des étudiants réfugiés [5]5University of Toronto Press
Strangers at the gate: The "boat people's" first ten years in Canada
1999 [7]7Éducation et francophonie
La réussite scolaire des élèves d’origine immigrée: réflexions sur quelques enjeux à Montréal
2011 [4]4thèse de doctorat en sociologie, University of Alberta
The lntegration of Refugee Youth in Canada
2001.
À la lumière de ces constats, il apparaît juste de dire qu’il y a d’une part les jeunes réfugiés et de l’autre les jeunes réfugiés de la guerre.
Ceux qui ont connu les combats de près, comme certains enfants ou adolescents syriens accueillis récemment, ont besoin de soutien psychologique particulier afin de pallier l’impact que cela peut avoir sur leur capacité à s’adapter à un nouveau milieu et à apprendre [8]8Service social
Le stress des réfugiés et ses implications pour la pratique et la formation
1993.
Mieux connaître pour mieux soutenir
Pour terminer, nous devons constater que la littérature sur le sujet traite peu de ces problématiques à une échelle individuelle, c’est-à-dire au niveau de l’élève et de son parcours scolaire. Le qualificatif de « réfugié » désigne avant tout un statut légal, au sens du droit international, il renseigne peu sur les caractéristiques de l’élève qui le porte. Les jeunes réfugiés au Canada proviennent d’une multitude de régions et de contextes. Or, ce groupe hétérogène présente des parcours de vie et des trajectoires scolaires très variés.
Par conséquent, une plus grande granularité dans l’étude de cette population apparaît nécessaire afin de mieux cerner les besoins éducatifs de chacun des élèves [9]9Refuge: Canada's Journal on Refugees
Structural factors associated with higher education access for first-generation refugees in Canada: An agenda for research
2012. D’autant plus, que plusieurs recherches ont démontré qu’une forte proportion des élèves réfugiés intégrés dans les écoles canadiennes ont davantage besoin d’un soutien personnalisé afin de réussir.